«Chaque fois que je m’isole dans mon atelier, et que je commence à peindre et à créer, je me persuade que trois personnes sont assises derrière moi et participent à mon aventure. La première personne qui m’observe jette sur ma toile le regard du connaisseur, celui d’un artiste-peintre comme moi à celui-là les erreurs techniques et un mauvais dessin n’échappent pas.
La seconde personne a pour mon oeuvre un regard critique, qui la situe par rapport à elle-même, et dans les courants artistiques du pays et d’ailleurs.
Enfin, la troisième personne est profane, jetant un regard spontané sur mon oeuvre, la jugeant en fonction de sa sensibilité et de ses goûts.»
Noureddine KHAYACHI
Enfin, Noureddine Khayachi se dévoile et nous communique une clé pour accéder à une meilleure compréhension de son univers pictural. D’emblée, le chiffre trois semble indispensable pour la composition du tableau qui ne peut exister que par une conception harmonieuse à trois dimensions. Il est vrai que le chiffre trois se retrouve souvent dans la vie et l’oeuvre de Khayachi. Trois autres personnes, et de plus haute importance, l’ont également guidé dans son exploration de l’espace pictural: sa mère, son père et Le Titien. Il a eu aussi trois enfants: Taj El Molk, Dorsaf et Rafet. Il ne faut pas oublier qu’il est l’auteur de l’emblème de la République se composant de trois vertus : la Liberté l’Ordre et la Justice.
Trois personnes ont veillé à l’existence de cet ouvrage: Fatma khayachi, Taj El Molk khayachi- Ghorbel et Mohsen Ghorbel. Trois énergies se sont rassemblées pour lui assurer la meilleure conception et la meilleure réalisation : Mustapha Chelbi, l’Agence MIM, la famille khayachi-Ghorbal et l’auteur de l’ouvrage. Pour revenir à l’œuvre elle-même et au message de Khayachi on constatera que ses tableaux sont conçus, à la majorité, dans une sorte de trilogie.
Dans la toile «Le Deggaz», le diseur de bonne aventure est entouré de deux femmes voilées. Le tableau «Karting de notre enfance» met en scène trois skate-boards traditionnels de Tunisie superbement manoeuvrés par de jeunes garçons de La Médina (Ouled El Houma) ainsi dans la toile «Les trois grâces» on se trouve devant trois belles princesses debout sur une véranda décorée par trois niches. Dans la toile «Le trousseau» on peut découvrir trois types de chaussons (une balgha et deux sortes de kobkab). Dans la toile «Pécheurs et filets» on voit en avant-scène deux pécheurs et une barque. Dans la toile «Le collier» on compte trois personnes; la toile «Le barbier de La Médina» est divisée en trois parties: le barbier au centre, avec à droite un client lisant le journal et à gauche, un autre client s’admirant dans le miroir. Héritier de trois prénoms (Mahmoud, Ezzeddine, Noureddine) se réclamant à la fois de sa mère, de son père et de Le Titien, père de trois enfants, engagé dans l’espace pictural qui fonde son être sur trois dimensions, Khayachi a trouvé dans le chiffre trois un rythme enchanteur dans lequel il s’est reconnu.
Il est bien entendu que la structure triangulaire n’est pas l’unique fondement du discours de Khayachi. En véritable alchimiste de la peinture, Noureddine Khayachi a déposé dans son oeuvre
beaucoup d’autres symboles, codes et signes qui attendent d’être interprétés et déchiffrés. L’héritage de Khayachi ne m’appartient pas, pas plus qu’il n’appartient à ses enfants ou à sa famille. L’héritage de Khayachi est désormais un bien culturel national qui interpelle tout Tunisien soucieux de mieux connaître ses racines.
De même, l’héritage Khayachi, parce qu’il est profondément tunisien, peut toucher et émouvoir tout amateur de Beaux-Arts curieux de peinture authentique. Noureddine Khayachi est vraiment le père de la peinture tunisienne et son héritage est un bien collectif qui dépasse les frontières pour toucher tout homme ayant un cœur assoiffé de beauté et un regard chargé d’amour.