Khayachi Hédi Né en 1882-1948 – 20e siècle – Tunisien.
Peintre de genre, portraits, paysages. Après avoir travaillé sous la direction d’Emile Pinchart à Tunis il poursuivit ses études à Paris aux Académies libres de Montparnasse puis séjourna en Italie où il se spécialisa dans l’Art du portrait.
Il fit surtout les portraits de princes, de personnages officiels mais peignit des scènes de genre et des paysages.
Biblio : Catalogue lumière tunisienne – Pavillon des Arts Paris 1995
Musée : Tunis musée d’Art moderne : Sidi Bou Saïd
Extrait du E. Bénézit 2000
De même qu’on essaie de se réaliser par soi-même, on ne peut échapper à l’héritage paternel et peut -être que les réponses que nous trouvons à nos questions sont en réalité des solutions aux problèmes posés par nos pères.
Noureddine Khayachi a sillonné l’Europe et a fréquenté les musées d’Occident; quand bien même il s’est investi dans l’étude de l’œuvre de le Titien et des grands maîtres de la peinture Italienne, il doit l’essentiel de son art à son père. Il serait injuste de dire que tout ce qu’il a appris en Italie n’est rien comparé à tout ce qu’il a appris de son père. Ce serait agir à la façon des effaceurs et des gens qui ne savent plus reconnaître la valeur des hommes. Il serait peut-être plus juste d’avancer l’hypothèse que c’est grâce à l’éducation de base prodiguée par son père Hédi, que Noureddine Khayachi a pu être perméable à l’enseignement des grands maîtres de la Renaissance italienne. S’il a été à ce point troublé et marqué par la vie et l’œuvre de Le Titien, c’est très certainement parce qu’il est le fils du plus grand portraitiste de la peinture tunisienne.
En tout premier lieu, Noureddine Khayachi suivra les traces de son père dans la réalisation de portraits des rois de Tunis. Autant que son père, Noureddine va être à la hauteur de la mission redoutable qui lui est confiée. Peinture du pouvoir, il doit trouver la touche juste, la forme juste et la couleur juste pour peindre chaque souverain de Tunisie. L’image de marque de l’Etat étant le jeu et l’enjeu de la toile, Khayachi n’avait absolument pas le droit à l’erreur. Terrible école que celle qui vous oblige à vous dépasser sans cesse et à ne dévoiler que ce qui contribue à rendre l’homme plus beau, plus grand et plus noble. On devait donc trouver sur la toile un tremplin pour atteindre l’essence même de la peinture. Et c’est très certainement cette soif d’aller le plus loin possible dans l’exploration du champ pictural que Hédi a fourni à son fils.
On remarque que toute l’œuvre de Noureddine Khayachi va développer les voies de recherche fixées et éclairées par son père.
Noureddine a poursuivi avec le plus grand respect et la plus grande sincérité les traces de son père. Il n’est pas surprenant de l’entendre affirmer : «Je peux dire que l’amour des Arts en général et de la peinture en particulier fait partie de la tradition familiale … Je n’ai donc fait que suivre les traces de mon père».
Après avoir établi les portraits des rois de Tunisie, Noureddine va, à l’instar de son père, réaliser une série de portraits et d’auto-portraits.
«Je ne connais pas d’art plus difficile ni plus ingrat mais néanmoins plus enrichissant que l’art du portrait».
Noureddine et Hédi Khayachi ont osé briser la coquille de leur moi pour aller au plus profond d’eux-mêmes avec un courage intellectuel hors du commun. Ils se sont observés tous les deux sans complaisance et sans faiblesse. Il n’ont cherché ni à s’embellir, ni à se tromper. Ils se sont donnés dans leur vérité à la fois précaire et éternelle.
En même temps que ce voyage à l’intérieur de soi, Hédi et Noureddine Khayachi ont également en commun l’amour de la famille. De la même façon que Hédi a peint son fils, Noureddine a peint sa femme et ses enfants. Sur ce plan, les Khayachi ont fonctionné de la façon la plus solidaire. La fidélité avec laquelle Fatma et Taj El Molk honorent Noureddine Khayachi illustre parfaitement bien cette chaîne affective qui se perpétue d’une génération à l’autre.
On notera également le courage avec lequel Hédi et Noureddine ont quitté le protocole de la cour beylicale pour aller vers la rue tunisienne pour y chanter ses coutumes et ses traditions. Ne voulant pas restreindre leur art à un seul groupe social, les Khayachi ont eu l’immense mérite d’élargir leur palette à toutes les couches de la société tunisienne. Autant que Hédi Khayachi, Noureddine ira vers les maisons les plus modestes de la ville de Tunisie pour célébrer la vie quotidienne des gens les plus modestes. Il résulte de cette rencontre entre deux grands artistes et les traditions tunisiennes des tableaux extrêmement forts et émouvants. Ce qui est encore plus surprenant et encore plus troublant, c’est l’hommage rendu par Hédi Khayachi à la femme tunisienne.
Cet hommage sera repris et développé de façon magistrale par Noureddine Khayachi. De même, les toiles de Hédi Khayachi montrent des bédouines portant des cruches trouveront un développement remarquable dans les œuvres du fils. Il n’est jusqu’à la passion musicale de Hédi Khayachi qui sera assumée par Noureddine. De même, les traits de caractère et la piété qu’on retrouvera identiques chez le père et le fils. Tout se passe comme si l’œuvre de Hédi Khayachi a été tracée comme un carnet de bord pour faciliter la tâche de son fils et son voyage dans l’univers des beaux-arts.
On retrouve dans l’écriture des deux Khayachi une similitude troublante et surtout ce dialogue subtile, profond et complexe entre la lumière et l’ombre que seuls les Khayachi maîtrisent parfaitement.
Privé de sa mère alors qu’il était encore un jeune enfant, Noureddine Khayachi a beaucoup aimé son père. Sa mort en 1948 a été pour lui une perte très cruelle car Noureddine avait encore besoin de son amour de sa présence et de son enseignement. C’est sans doute la raison pour laquelle il a décidé d’aller en Italie exactement comme le fit son père lorsqu’il se rendit à Rome pour recevoir une formation artistique et s’initier à l’art du portrait.
En bon fils et digne héritier, Noureddine a refait exactement les mêmes gestes que son père. Encore plus qu’une identification, c’était une véritable communion qui se faisait du père au fils et du fils au père par l’intermédiaire du mystère pictural. La ressemblance est telle que parfois on a du mal à distinguer un Hédi d’un Noureddine Khayachi. Et qui a prétendu le contraire ? Et qui a dit que Hédi et Noureddine Khayachi sont deux êtres distincts et différents ? Au- delà des apparences, ne sont – ils par une seule et même personne ?