Que lègue Noureddine Khayachi à ses héritiers?
il laisse en héritage l’amour de la Tunisie. Chacune de ses toiles est une fenêtre ouverte sur la Tunisie traditionnelle.Une évaluation bibliographique des articles de presse publiés sur Khayachi laisse émerger plus d’une centaine de textes publiés tout au long de son existence. Les critiques d’art sont unanimes pour saluer en lui un peintre d’une stature exceptionnelle.
Des critiques d’art, et non des moindres, tels Alya Hamza, Anne-Marie El Khatib, ZouhaïrAllagui, El Mokhtar Bey, Bady Ben Naceur, Hamadi Abassi, Amor Guizani, Chadly Ben Abdallah, Fathi Chargui, HayetSayeb Ben Ezzedine, Hatem Ben Gamra, Khlifa Chateur, Moncef Ben Salem, Rim Saadi, Raja Wardi, Naceur Ben Cheïkh, Salah Hajja, Tawfiq Boughdir, Taraq Azzouzi, et bien d’autres ont souligné l’importance historique de Noureddine Khayachi quant à la réalisation d’une oeuvre picturale incontournable qui a contribué et qui contribue encore à la fortification de l’identité culturelle Tunisienne. Un bilan critique de ce qui a été publié sur Noureddine Khayachi permet de dégager trois vagues éditoriales :
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La première vague a eu lieu en novembre 1982 lors de l’édition du 1er livre « Noureddine Khayachi » signé HédiZahag et son exposition personnelle à la galerie Yahia (150 toiles et dessins).
– La deuxième vague a eu lieu lors de son décès en Mai 1987.
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la troisième vague d’articles s’est produite en décembre 2000 lors de la sortie du livre « Et la lumière et l’ombre » signé Mustapha Chelbi et Tej El Molk Khayachi Ghorbel et l’exposition posthume en février 2001 à la Maison des Arts de Tunis.
Bady Ben Naceur a bien raison de s’interroger : « Qu’a-t-on fait pour celui qui nous a révélé toute la mémoire de notre patrimoine ? ». Dans un article paru le 20 juin 1987, Tarek Azouzi rend hommage à l’homme et à l’œuvre dans des termes émouvants : « La culture européenne à laquelle il s’est abondamment abreuvé n’avait point altéré son âme demeurée orientale… C’est vraiment un homme supérieur… une des plus belles figures de l’art tunisien et à coup sûr le meilleur peintre que la Tunisie ait jamais eu? ».
Anne-Marie El Khatib dit de lui : il avait la grâce de l’homme du monde aussi bien dans le sens de la distinction de son esprit, de la finesse de ses manières et de son accueil qu’au sens propre de l’homme fasciné par le monde et la société de son temps. « Hebdo touristique 17 mai 1987 »
Dans un article paru le 11 mai 1987, «Le Temps Hebdo» de Naceur Ben Cheïkh surnomme Khayachi le Delacroix tunisien : «A travers sa peinture, c’est toute la mémoire collective du vieux Tunis qui est racontée… Par sa peinture, il a su nous réconcilier à nous-mêmes». Bady Ben Naceur écrit, le 6 mai 1987 : « Noureddine Khayachi mettra toute son initiation et son
assimilation de la Renaissance italienne au service de la reconstitution picturale de son pays ». Dans le magazine «Votre Beauté», Geneviève Martin dit : « A travers des images fabuleuses, Noureddine Khayachi montre la puissance des traditions tunisiennes. Hamadi Abassi écrit le 18 novembre 1982 : « Noureddine Khayachi… restitue le vieux Tunis… avec émotion, sensibilité et tendresse ».
Khayachi a osé bousculer le protocole et les tabous pour peindre les plus humbles. Il a eu le grand mérite de peindre les fêtes telles qu’elles se déroulaient dans les milieux aristocratiques et bourgeois. Il n’a pas voulu céder à un populisme douteux et se mettre à faire une peinture folklorisante. En tant que peintre, il a élargi son regard et a magistralement interprété les multiples visages de la société bourgeoise traditionnelle… Témoin d’une société, il a excellé dans son art et n’a rien laissé au hasard.
HédiZahag témoigne : « Chroniqueur des temps passés, il excelle dans la reconstruction historique de nos coutumes et traditions dont il dégage la poésie… De sa palette naîtra une œuvre d’une grande force expressive… Un travail soigné, une sensibilité nuancée, une grande attention aux problèmes de lumière, une fidélité à la figuration qui frise la dévotion. Notre histoire, qu’il a su faire revivre, retiendra son nom ».
Il a apporté à l’espace pictural tunisien un discours de base sur lequel les générations à venir pourront bâtir les écritures les plus audacieuses. S’il faut résumer toute sa vie et son œuvre en un mot, on dirait tout simplement que Khayachi est une leçon de peinture, une leçon d’équilibre, de sérénité et d’harmonie. Il n’était pas homme à se laisser emporter par la passion amoureuse, les désirs fous, les ivresses dyonisiaques et les veillées nocturnes. L’équilibre extraordinaire avec lequel il gérait aussi bien sa vie que son œuvre, lui imposait une discipline de fer. Il n’a cédé à aucune passion. Si, peut-être à une seule : celle de la Peinture. Il a accepté de vivre et d’assumer cette contrainte le cœur léger comme si elle allait lui offrir le bonheur et la liberté.
La vérité de son art tient à cette fonction intelligente et courageuse, patiente et obstinée entre un contenant occidental et un contenu oriental. La vérité d’une vie s’est matérialisée dans la vérité de l’art…Au lendemain du décès de Noureddine Khayachi, Naceur Ben Cheikh interroge à juste titre: « Saurions-nous gérer l’inquiétude de l’homme lucide qu’il nous laisse en héritage.Noureddine Khayachi n’est plus, mais son œuvre est là pour guider les pas de tout chercheur pour aller à sa rencontre ou effectuer une promenade de santé spirituelle au sein de son œuvre ». Bady Ben Naceur a compris le sens de l’œuvre de Khayachi quand il la qualifie de « Remontée du temps ». Dans un bel article publié le 20 juin 1987, Taraq Azzouzi gratifie Noureddine Khayachi du titre bien mérité de « Prince du pinceau »… Pour ce peintre des rois, l’honneur n’a jamais été un piège, mais un tranquille chemin vers l’humilité. Fils de La Marsa, Noureddine Khayachi ne s’est pas enfermé dans sa tour d’ivoire. Il s’est mêlé aux gens modestes de la vie quotidienne.
Indulgent, il savait que seule la tendresse pouvait aider les hommes à se dégager de leurs conflits et de leurs problèmes. Excellent professeur au lycée Alaoui, il enseignait l’idéal de vertu en même temps que le dessin. L’art du dessin ne découle-t-il pas de l’art de vivre ?
Picasso a raison de dire : «Il ne faut peindre que ce que l’on aime»… Et c’est précisément ce qu’a fait Noureddine Khayachi en réservant sa toile à l’affirmation exclusive de son amour pour la Tunisie.
Par son regard, il a universalisé la société traditionnelle tunisienne et a « éternisé » ses visages. Son œuvre pleine de couleurs et de lumière est une victoire sur le temps.
Noureddine Khayachi est le père de la peinture tunisienne et son héritage est un bien national qui dépasse les frontières pour prendre ainsi une valeur universelle.